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Meurtres à Pékin  (nov 2005 Editions du Rouergue, 2006 France Loisirs, 2007 en poche - Babel)
Le quatrième sacrifice  (mars 2006 Editions du Rouergue, 2007 France Loisirs, 2008 en poche - Babel)
Les Disparues de Shanghai  (oct 2006 Editions du Rouergue, 2007 France Loisirs, 2008 en poche - Babel)
Cadavres Chinois à Houston (mars 2007 Editions du Rouergue, 2008 France Loisirs)
Jeux Mortels à Pékin (nov 2007 Editions du Rouergue)
L'éventreur de Pékin (juin 2006 France Loisirs, fevrier 2008 Editions du Rouergue)


MEURTRES À PÉKIN

Prologue

Les rires des deux enfants qui gambadent sur les sentiers poussiéreux du parc Ritan, résonnent dans l’aube comme les cloches d’un service funèbre.

Leur mère a demandé à la baby-sitter, une fille de la campagne un peu endormie, de les conduire au parc avant l’école. Pour profiter de la fraîcheur matinale.

Un vieillard en gants blancs et costume Mao pratique le tai qi. Attirées par des sons étranges qui proviennent d’un peu plus loin, les jumelles le voient à peine. Elles se mettent à courir sans tenir compte des appels de leur baby-sitter. Elles dépassent un groupe en train de lire des feuilles de poèmes tendues entre les arbres, puis un banc où sont assises deux vieilles dames en chaussons.

Sur les marches d’un antique pavillon, un jeune couple vêtu de noir fait une démonstration de cha cha cha au son d’une musique crachotée par un vieux phonographe. Juste derrière, des hommes brandissent de longues épées argentées et fendent l’air très lentement, avec des gestes parfaitement contrôlés, dans une sorte de parodie grotesque de combat médiéval.

Une nouvelle distraction s’offre à elles. De la fumée sort d’un bosquet comme un épais brouillard bleu. Avec une odeur étrange de viande trop grillée. Au moment où la baby-sitter les rattrape, les jumelles s’échappent à nouveau en courant vers le sommet de la butte. La jeune fille s’élance à leur poursuite. La plainte d’un violon à une seule corde lui parvient aux oreilles quand elle débouche sur une clairière au centre de laquelle des flammes s’élèvent d’une masse informe. Les yeux écarquillés, les jumelles regardent. La baby-sitter se fige sur place. Elle sent la chaleur du feu sur son visage et se protège les yeux de son éclat pour essayer de voir ce qui brûle ainsi. Quelque chose bouge au milieu. Quelque chose d’étrangement humain. Le cri de l’une des petites filles la galvanise, et elle réalise soudain que c’est une main carbonisée qui se tend vers elle.



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LE QUATRIÈME SACRIFICE

Prologue

Il sait qu'il va mourir. Il en éprouve presque du soulagement.  Finies les interminables nuits solitaires.  Finis les cauchemars.  Il peut enfin se libérer de toute la noirceur qu'il traîne après lui, du fardeau qui l'accable.  Savoir sa mort si proche est même temps effrayant.  Mais la drogue a refoulé sa peur.

Il est vaguement conscient de la familiarité des choses qui entourent : les murs nus, dégradés, le châssis rouillé de la fenêtre, le linge qui sèche sur le balcon.  Il flotte encore dans l'air une odeur de cuisine à lequelle se mélangent des relents d'égouts, plus forts quand il pleut comme maintenant.  Il entend le crépitement de la pluie sur les vitres.  Elle brouille les lumières de l'immeuble d'en face, comme les larmes tièdes et salées qui roulent sûr ses joues.  Un profond sentiment de tristesse l'envahit soudain.  C'est absurde !  Sa vie, la vie de ses parents, et celle de leurs parents avant eux, ont-elles eu un sens ?

Des mains rudes le forcent à se mettre à genoux.  On lui passe une corde autour du cou.  Il perçoit l'eclat rouge des caractères quand la pancarte tombe devant ses yeux.  On lui tire les mains dans le dos.  Il sent le contact doux et familier de la soie autour de ses poignets, puis une brûlure quand le cordon se resserre brutalement.  Il aurait été moins brutal.  Malgré la drogue, la peur refait surface et lui étreint la gorge.  Un éclair de lumière brille sur le Métal sombre et terne.  Unemain l'oblige à baisser la tête.  Inutile de résister.  Inutile d'avoir des regrets.

Il sent une présence sur sa droite, voit sur le linoléum pâle l'ombre de la lame qui se lève.  Il avale sa salive.  Aura-t-il mal ? Que vaut son exécuteur ?  Puis fugitivement, il se demande se le cerveau cesse de fonctionner dès l'instant où la tête est coupée.  Il entend le sifflement de la lame et retient son souffle.

Non, cela ne fait pas mal, a-t-il le temps de se dire alors que la pièce tourne autour de lui et qu'il voit deux jets de sang s'échapper de l'étrange apparition de son propre corps décapité.  Mais il ne pourra jamais le raconter.  Il y a tellement de choses qu'il ne pourra jamais raconter.

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LES DISPARUES DE SHANGHAI


Prologue

Du fond de la limousine, l'Américain ne distingue qu'un brouillard gris-bleu à travers les trombes d'eau qui se déversent du ciel. Il est venu célébrer l'union de deux continents, un lien puissant entre l'Orient et l'Occident. Mais tout l'argent du monde ne suffira pas à le protéger de l'horreur qui l'attend.
Des tours fantomatiques de verre et de métal percent la brume. Sa limousine s'arrête. Des parapluies noirs et luisants se rassemblent immédiatement devant sa portière. Il pose les pieds sur un tapis rouge; aussitôt, des flaques d'eau se forment autour de ses chaussures.
De l'autre côté des grilles ouvertes, une forêt de tiges d'acier jaillit des blocs de béton déjà coulés. L'Américain sent l'eau froide s'infiltrer entre ses orteils. Il jure intérieurement mais sourit à ses hôtes chinois, ses partenaires dans la plus grosse joint-venture sino-américaine jamais tentée. Il a du mal à croire que de ce site détrempé naîtra la gigantesque construction de verre et d'acier la plus haute d'Asie destinée à devenir la New York-Shanghai Bank. Il est néanmoins rassuré de savoir que son poste de directeur général fera de lui l'un des hommes les plus puissants du monde.
Il monte les marches de l'estrade abritée par un immense vélum et s'avance sous les yeux des journalistes de la presse internationale ; les projecteurs de la télévision inondent cette matinée grise d'une lumière blanc bleuté; les flashs des appareils photos crépitent sous la pluie. Ses attachés de presse ont bien travaillé.
Son homologue chinois s'approche en souriant du micro pour le premier des inévitables discours. L'Américain laisse ses yeux et son esprit vagabonder. Une énorme trémie les surplombe, son museau pointé vers la profonde tranchée ouverte au pied de l'estrade. Quand il baissera le levier, des tonnes de béton se déverseront de sa gueule dans les entrailles de sa future banque - fondation symbolique sur laquelle il bâtira une fortune sans précédent.
Une salve d'applaudissements le tire de ses pensées. Une main sur son coude l'entraîne vers le micro. Flashs. Il entend sa propre voix, étrange, métallique, diffusée par des haut-parleurs, les mots appris par coeur; il ne peut s'empêcher de remarquer que la tranchée béante se remplit d'eau, une eau brune, épaisse comme du chocolat.
Encore des applaudissements.  Il sort de l'abri du vélum et gagne une petite plate-forme en saillie en compagnie d'un Chinois qui tient un parpaluie au-dessus de sa tête pour le protéger des trombes d'eau.  Il saisit lelevier d'une main puis, avec un sentiment de maîtrise absolue sur sa destinée, l'abaisse.  Les visages se lèvent vers la trémie.  Tout le monde semble retenir sa respiration. On n'entend plus que le crépitement de la pluie sur la toile.
L'Americain sent le sol bouger sous se pieds.  Un craquement retentit, suivi d'un râle étrange évoquant le dernier souffle d'un mourant.  Les étais supportant les planches de la petite plate-forme carrée s'effrondrent en même temps que les parois de la tranchée.  Il pivote sur lui-même, agrippe la manche du bras qui tient le parapluie, mais plonge déjà vers le rideau de pluie.  La sensation de chute dans le vide semble durer une éternité.  Il ne reconnaît pas son propre cri.  Le choc de la boue froide et liquide lui coupe le souffle.  Il a l'impression que le monde entier s'écroule autour de lui tandis qu'il se débat pour ne pas être englouti.  Quand il voit un bras se tendre vers lui, il pense Merci mon Dieu!  Il attrape la main, sent la chair se dérober sous ses doigts.  Mais il n'a pas le temps de réfléchir.  Il tire plus fort pour tenter de s'extraire de la boue; le bras tendu n'offre aucune résistance.  Il comprend alors qu'il n'est rattaché a rien.  Il le lâche aussitôt, dégoûté, incrédule.  Il ented des voix crier au-dessus de lui, se retourne, voit émergerd'un mur de boue les seins, les épaules, puis le ventre d'une femme.  Elle n'ai ni bras, ni jambes, ni tête.  Pris de panique, il mouline avec ses propres bras, lance des coups de pieds dans tous les sens et se retrouve face à deux trous noirs d'où les yeux ont disparu, au milieu d'une chair pourrissante et de mèches de cheveux maculées.  Il sent sa gorge se remplir de bile, ouvre la bouche pour hurler et, en levant vers le ciel un regard suppliant, voit les blocs de béton se dresser au-dessus de lui dans la brume.  Comme les pierres tombales d'un cimitière.



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CADAVRES CHINOIS à HOUSTON


Chapitre 1


Le shérif adjoint J.J. Jackson, Jayjay pour ses collègues du comté de Walker, planta entre ses dents une allumette qu'il se mit à mâchonner. Puis il ouvrit sa braguette et projeta un jet jaune dans le lit asséché du Bedias. Un peu de vapeur s'éleva dans l'air frais du matin tandis qu'il s'efforçait de viser la limite du comté de Madison. Quelque part au nord, au-delà des arbres qui rompaient la plate monotonie du paysage texan, les prisonniers de Ferguson Unit sortaient des cellules à l'appel de leur nom pour affronter une nouvelle journée d'incarcération. Lui, il était libre de pisser dans le vent ; il lui restait un peu plus d'une demi-heure avant d'aller pointer, avant la fin de son long service de nuit. Ensuite, il retrouverait son lit vide. Il cracha l'allumette et regretta d'avoir arrêté de fumer. Sûr qu'il mourrait d'un empoisonnement au bois.
Les voix des Dixie Chicks s'échappaient par la portière ouverte. Absolument contraire au règlement, mais, merde, il fallait bien se tenir éveillé. Il enfila sa grande carcasse derrière le volant, engagea sa voiture de patrouille sur la 45, complètement déserte, et fila vers le sud. Avant, Martha lui laissait des crêpes à la mélasse et une assiette de gruau de maïs sur la table. Mais depuis qu'elle avait filé avec son vendeur de clim, il allait prendre son petit déjeuner à Huntsville, au Café Texan, en face du tribunal du comté, sur Sam Houston Avenue. Il s'asseyait toujours dans la salle fumeurs pour pouvoir respirer la fumée des autres.
Il se mit à chanter avec les Dixie Chicks.
Un fast-food mexicain se dressait un peu plus loin sur la droite. Autant Jayjay aimait la bière avec sa rondelle de citron coincée dans le goulot, autant il évitait la cuisine mexicaine. Elle lui filait des brûlures d'estomac. Il bifurqua sur la route défoncée qui menait au parking, une vaste étendue de macadam poussiéreuse et vide. Enfin, vide à l'exception d'un gros semi-remorque frigorifique rouge. Normal. Les routiers s'arrêtaient souvent pour fermer les yeux quelques instants. Mais la portière du chauffeur était grande ouverte et il n'y avait personne dans les parages. Et le restaurant n'ouvrirait pas avant plusieurs heures.
Jayjay descendit de voiture sans couper le moteur. Il ne savait pas pourquoi le camion avait attiré son attention. Peut-être parce que le chauffeur l'avait garé n'importe comment, sans respecter les lignes blanches à moitié effacées. Peut-être tout simplement par instinct. Jayjay croyait très fort à son instinct. Il avait senti que Martha allait le quitter, au moins deux ans avant qu'elle se décide à le faire. Mais ça, ce n'était peut-être pas de l'instinct, plutôt un souhait. Mais, nom de Dieu, ce camion avait quelque chose de bizarre. Il paraissait... abandonné.
Il enfonça son Stetson sur sa tête, planta une allumette entre ses dents et plaqua les mains sur les hanches, l'index droit posé sur le cuir de son holster.
Lentement, il s'approcha de la portière ouverte en lançant des coups d'œil nerveux de droite à gauche.
– Hé, là-dedans !
Personne ne répondit.
– Y'a quelqu'un ?
Il s'arrêta devant le camion vide en chassant son allumette d'un coin à l'autre de la bouche. Puis il se hissa dans la cabine et se pencha vers la couchette. Elle était vide.
Il redescendit sur le macadam et regarda autour de lui. Où le chauffeur avait-il bien pu passer ? Les Dixie Chicks chantaient du R&B dans la voiture de patrouille. Une légère brise soulevait la poussière du parking ; le soleil levant colorait en rose les nuages du petit matin. Plus tard, ce même soleil brûlerait tout.
Jayjay longea la remorque sur les flancs de laquelle figurait en grosses lettres noires fraîchement peintes  TRANSPORTS GARCIA.
En voyant les grandes portes arrière de la remorque entrouvertes, il eut un mauvais pressentiment. Il sortit son pistolet du holster, plia le bras et pointa le canon vers le ciel.
– Hé ! Y'a quelqu'un ? cria-t-il à nouveau.
Il ne s'attendait pas à obtenir une réponse, mais fut tout de même déçu de ne rien entendre. Il cracha son allumette et tira à lui le battant gauche qui s'ouvrit lentement. Immédiatement, une odeur de pourriture lui sauta au visage. Avec cette chaleur, la marchandise devait être périmée depuis longtemps. Il vit des caisses empilées les unes sur les autres : tomates, aubergines, avocats, concombres. Il agrippa une poignée fixée sur la porte pour se hisser à l'intérieur de la remorque. La puanteur était insoutenable maintenant, lourde, aigre ; ça sentait le vomi et les excréments. Il blêmit.
– Bon Dieu... siffla-t-il entre ses dents.
Des caisses étaient renversées de chaque côté ; il dut les tirer pour pouvoir avancer vers le fond. Des tomates et des concombres roulèrent sur le sol métallique. Soudain, un bras nu s'abattit entre deux caisses, la main tendue comme pour lui faire signe. Jayjay poussa un cri et sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Rengainant son arme, il commença à écarter les caisses qui s'écroulèrent autour de lui. Elles n'occupaient que le quart de la superficie de la remorque. Mais l'obscurité l'empêchait de voir ce qu'il y avait au-delà. Pris d'un haut-le-cœur, il décrocha à tâtons la torche pendue à sa ceinture et l'alluma. Un cri s'étrangla dans sa gorge lorsque le rayon lumineux perça les ténèbres, révélant des douzaines de corps figés dans la mort. Bras et jambes entrelacés, visages tordus par la douleur. Vomi, sang, vêtements déchirés. Visages livides d'Asiatiques, yeux écarquillés, sans vie, comme sur les photos des camps de concentration. Il recula en chancelant, trébucha sur les caisses, glissa sur les légumes pourris, et atterrit sur le macadam avec une violence qui lui coupa le souffle. Il resta un instant immobile, à se demander s'il était tombé en enfer. Au loin, les Dixie Chicks chantaient - l've seen 'em fall, some get nothing and, Lord, some get it all¹.

1. J'les ai vus tomber, certains n'ont rien eu et, Seigneur, d'autres ont tout eu.

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JEUX MORTELS A PEKIN

Prologue

Les nageurs entrent par la porte sud, sur Chengfu Lu. Ils sont une dizaine ; leurs bicyclettes dérapent sur la neige qui commence à se transformer en glace, mais la perspective de la compétition du lendemain les galvanise. Seule la mort qui les attend en silence peut refroidir leur enthousiasme.

Pour l’instant, ils n’ont qu’une idée en tête, plonger dans l’eau tiède chlorée qui va glisser sur leurs muscles minces et fermes. C’est le dernier entraînement avant la rencontre avec les Américains. Une légère appréhension leur serre le ventre. Plus d’un milliard de personnes comptent sur eux. Ils sont les espoirs d’une nation. La Chine. Une lourde respon- sabilité.

Ils saluent de la main le gardien qui les regarde passer d’un air maussade en tapant des pieds et en serrant autour de lui son manteau gris doublé de fourrure.

Les nageurs poussent des cris de joie dans la nuit limpide, la vapeur de leur souffle se dissipe derrière eux comme la pollu- tion que les autorités ont promis d’éliminer du ciel de Pékin avant que le monde entier ne fonde sur la ville pour assister au plus grand des spectacles. Devant eux, les dix étages éclairés du bâtiment principal jettent une lumière froide dans l’obscu- rité. Sur leur droite, les murs en béton du département de Technologie. Sur leur gauche, les marches imposantes du département de Droit. Devant eux, le vaste campus de l’uni- versité Qinghua, surnommé le MIT chinois par un vice-prési- dent américain. Mais ce n’est pas la réputation d’excellence en science et technologie de Qinghua qui les intéresse. C’est la réputation d’excellence de son complexe sportif, le plus moderne de Chine. C’est ici qu’ils viennent de passer plusieurs semaines à repousser les limites de leur endurance sous les encouragements de leur entraîneur.

Les nageurs laissent leurs bicyclettes parmi les centaines d’autres alignées au pied des chambres des étudiants. Le linge qui sèche aux fenêtres est déjà raidi par le gel. Ils traversent l’esplanade en courant et en battant des bras pour se réchauf- fer, poussent la porte à double battant de l’entrée est. L’air chaud leur pique la peau. Ils longent les couloirs déserts jus- qu’aux vestiaires devenus si familiers, synonymes de la dou- leur de l’effort qui, ils l’espèrent, portera ses fruits en quelques minutes d’une extrême intensité. Cent mètres papillon. Deux cents mètres crawl. Dos crawlé. Nage libre. Relais.

Ce n’est qu’au moment d’enfiler leurs maillots qu’ils remar- quent son absence.

– Sui Mingshan n’est pas là ?

– Il devait nous retrouver ici, répond quelqu’un. Vous ne l’avez pas vu ?

– Non...

Les têtes se secouent. Personne ne l’a vu. Il n’est pas là. Ce n’est pas normal. Sui Mingshan est le plus zélé de tous. Et cer- tainement le plus rapide, le plus apte à battre les Américains. Le meilleur espoir des Jeux olympiques.

– Il a dû être retardé par le mauvais temps.

Ils traversent le pédiluve, grimpent les marches qui condui- sent à la piscine – voix excitées résonnant entre les rangées de sièges vides des gradins, pieds nus claquant sur le carrelage sec. Au-dessus de l’extrémité nord du bassin, l’horloge électro- nique indique 6 heures 50.

Quand ils le voient, ils ne comprennent pas tout de suite. Une mauvaise plaisanterie ?


Jeux Mortels


L'ÉVENTREUR DE PÉKIN


Chapitre I

Elle se réveilla en sursaut, le cœur battant, alertée par le cri qui traversait son rêve. Ses rêves ne l'entraînaient jamais très loin de la surface de sa conscience, stagnant toujours dans des eaux peu profondes où sons et lumières restaient perceptibles. Elle se redressa, respira à fond, scruta l'obscurité, distingua des formes dans les ombres, et des taches de lumière filtrant de la rue, à travers les arbres. Elle ne fermait jamais les rideaux. Ainsi, elle était sûre de voir plus vite ce qui l'entourait, sans avoir besoin d'allumer.
Ça recommençait. Un son faible, étouffé, d'un impact ravageur. Elle n'en revenait pas de cette sensibilité naturelle capable de détecter le plus petit bruit, même pendant le sommeil, de déclencher le réflexe qui l'avait réveillée et alertée. Il y eut un troisième cri, puis un quatrième, suivis d'un long gémissement et d'une série de sanglots ; son angoisse s'apaisa et céda la place à la résignation. Il fallait qu'elle se lève. Elle jeta un coup d'œil à la pendulette posée sur la table de nuit : 5 heures. Elle avait peu de chance de se rendormir.
Elle se glissa rapidement hors du lit, attrapa sa robe de chambre sur le dossier d'une chaise et l'enfila en frissonnant. Il n'y aurait pas de chauffage avant une heure ; jamais elle ne s'habituerait au fait de ne pas en avoir le contrôle. En ouvrant la porte, elle regarda par-dessus son épaule la forme recroquevillée de Li Yan ; il ronflait doucement. Elle se demanda pourquoi la Nature n'avait pas doté les pères de la même sensibilité.
Li Jon Campbell était couché sur le dos. Il s'était découvert, le froid l'avait réveillé. Et maintenant, évidemment, il avait faim. Margaret abaissa le côté du berceau pour prendre son fils dans ses bras, tout en ramassant la couverture dont elle l'enveloppa. Dans un mois, ils fêteraient son premier anniversaire. Il était déjà grand. Et aussi vilain que son père, avait-elle déclaré à Li. Avec ses épais cheveux noirs et ses superbes yeux bridés en amande, il ressemblait à n'importe quel bébé chinois. Margaret se demandait ce qu'il avait hérité d'elle en dehors de ses surprenants iris bleus. C'était étrange ; elle avait lu quelque part que le gène des yeux bleus était le plus faible, qu'il aurait complètement disparu de la race humaine dans quelques centaines d'années. Li Jon faisait de son mieux pour rétablir l'équilibre.
Elle le berça en murmurant des mots doux, et l'emmena dans la cuisine où elle prépara un biberon. Les pleurs du bébé se calmèrent ; il lui attrapa le nez, le serra de toutes ses forces comme si sa vie en dépendait, et ne le lâcha que lorsqu'elle se laissa tomber dans un fauteuil du salon et lui glissa entre les lèvres la tétine en caoutchouc qu'il mâchouilla avant de la sucer avec avidité. Margaret profita de cet instant, comme toujours, pour savourer cet îlot de paix au milieu de la turbulence de son univers instable.
À vrai dire, elle avait cessé depuis longtemps d'analyser sa situation. Ce n'était pas un choix délibéré. Plutôt un processus d'élimination. Toute sa vie tournait maintenant autour de Li Jon, à l'exclusion de toute autre chose, ou presque. Elle ne pouvait pas se permettre de s'appesantir sur son statut semi-légal - elle partageait, sans y avoir été autorisée, l'appartement de fonction fourni par la police municipale de Pékin au père de son enfant. Elle survivait, de prolongation de visa en prolongation de visa, sans oser penser à ce qu'elle ferait si on le lui refusait un jour. Elle n'avait pas de véritables revenus personnels en dehors de l'argent que lui rapportaient les quelques conférences données à l'université de la Sécurité publique. Elle n'avait pas approché une table d'autopsie ni manié un bistouri depuis presque un an. Elle ne se reconnaissait pas. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Un fantôme.
Li Jon s'était rendormi quand elle le coucha dans son berceau, s'assurant cette fois qu'il était bien bordé, au chaud. Elle-même était gelée. Elle se dépêcha de retourner au lit, laissant tomber au passage sa robe de chambre sur la chaise, et se glissa entre les draps qui, eux aussi, s'étaient refroidis. Frissonnante, elle se rapprocha de Li Yan dont le dos, les fesses et les cuisses irradiaient de la chaleur. Elle sentit sa peau brûler contre la sienne. Li grogna en essayant d'instinct de s'écarter de cette source de froid. Elle se colla contre lui.
- Qu'est-ce que tu fais ? marmonna-t-il encore endormi.
- Ah, tu n'es pas mort. Ni sourd. Ni complètement insensible, murmura-t-elle d'une voix qui lui sembla résonner incroyablement fort dans le noir.
- Quoi ?
Il se tourna à moitié vers elle, somnolent, les paupières lourdes, émergeant d'un sommeil très profond.
Elle glissa une main froide en travers de sa cuisse et eut la surprise de trouver son sexe en pleine érection.
- À quoi rêvais-tu donc ? demanda-t-elle.
- Je rêvais que je faisais l'amour avec toi, murmura-t-il.
- Mouais, admettons.
Il se retourna complètement pour lui faire face.
- Ça fait un moment.
- Oui.
Elle le serra contre elle et sourit.
- Mais je vois que tout fonctionne normalement.
- On devrait peut-être faire un essai pour vérifier.
- Peut-être bien. Ça risquerait même de nous donner un peu plus de chaleur que le chauffage central.
- Juste un peu plus...
Il frotta son nez sur la peau froide de son cou et la sentit frémir. Puis il fit glisser ses lèvres sur son sein et les ouvrit sur la pointe dressée, durcie à la fois par le froid et le désir. Il lui donna des petits coups de langue, la mordit jusqu'à ce qu'elle gémisse, puis descendit sa main le long de son ventre à la recherche de sa douce toison blonde. Il sentit la longue zébrure verticale de sa cicatrice, encore très laide. Très éloignée d'une minicicatrice esthétique. Il savait qu'elle en était gênée. Il chercha ses lèvres et la chaleur de sa bouche, se coucha entre ses jambes écartées, puis la laissa le guider à l'intérieur d'elle. Il sentit un long frémissement la parcourir comme un profond soupir, et son téléphone portable se mit à jouer l'Ode à la joie de Beethoven.
- Nom de Dieu, siffla-t-il dans le noir.
Immédiatement, il la sentit se relâcher sous lui. Elle avait cessé depuis longtemps de lui demander de ne pas répondre au téléphone, se résignant à accepter son sort. L'espace d'une seconde, il fut tenté de laisser son répondeur prendre le message. Mais Margaret s'était déjà retournée ; le charme était rompu, l'instant perdu. Il s'empara brusquement du portable posé sur sa table de nuit.
- Wei ?
Margaret écouta d'un air sombre le bref échange qui se déroula en mandarin. Une modulation bizarre à quatre tons qu'elle n'avait jamais vraiment tenté d'apprendre. Et pourtant, elle savait que c'était une langue que son fils parlerait, et elle ne voulait surtout pas qu'une partie de son fils lui échappe. Elle lui enseignerait l'anglais, bien sûr. Elle parlerait toujours anglais avec lui. Mais elle savait d'expérience, après ces années passées avec Li, qu'il y aurait toujours en lui quelque chose de chinois, hors de sa portée.
Li raccrocha, laissa tomber le téléphone sur la table, et roula sur le dos, sans parler, les yeux fixés au plafond. Il y eut un long silence. Leur passion n'avait pas été assouvie, mais elle s'était évanouie. Finalement, il annonça :
- Encore une.
Margaret sentit son estomac se serrer.
- Une autre mutilation ?
Il hocha la tête. Elle eut mal pour lui. Elle savait à quel point ces meurtres le troublaient. C'était toujours pire avec les tueurs en série. Plus on mettait de temps à les attraper, plus ils faisaient de victimes. Des jeunes femmes dans le cas présent. De jeunes prostituées au visage juvénile essayant de vivoter dans cette nouvelle Chine gouvernée par l'argent. Chaque nouveau meurtre était comme une accusation, un constat d'échec. L'échec de Li, qui finissait par se sentir coupable, responsable de chacune de ces morts. Comme s'il avait tué lui-même. Comme maintenant.




Peter May